De nostre correspondante, Praséodyme Gazélec, A.F.P. (Agence France Pègre)Quelconque voyageur s’aventurant en Normandye peut, depuys quelques jours, prendre le temps de monter faire une promenade sur les remparts de la Cité. Là, pour peu qu’il jette un regard en direction du mail qui s’étend à ses pieds, nous pouvons lui garantir qu’il en prendra plein la vue, et même, disons-le tout net, s’il regarde vers les parterres Honfleur, il en prendra plein Lisieux.
Car il aura en face de luy le spectacle grandiose, rare et ébouriffant d’une armée en formation !
Et là, de dextre à senestre, devant comme derrière, et vice-versa, ce ne sont que palefrois que trottoient, qu’écuyers qui s’agitoient, que portefaix qui courroient, que charrois qui cahotoient, que boucliers qui miroitoient, tandis qu’au loin le soleil poudroie, l’herbe verdoie, et les corbeaux merdoient. Les oriflammes claquent au vent, les hautbois sonnent, les trompettes résonnent.
Mais qu’est-ce donc que ceste agitation, Mon Bon Messer ? Et bien, c’est la formation du plus formidable Ost que l’on aye vu de tous les temps, et je pèse mes mots. Il a pris forme vers les confins bretons, à ce que l’on murmure, mené par le sémillant capitaine Lemerco, homme fort bien couillu, habile manoeuvrier, fier bretteur, et grand trousseur de jupons, avec ça ! Et il a pour commanditaire un homme de fort haute lignée, d’une belle prestance à la morale stricte, à l’haleine irréprochable et à la permanente impeccable, dont l’identité doit rester cependant secrète, en particulier pour la bonne raison qu’il trimballe par devers luy un magot fort conséquent, dont on craint, dans les milieux autorisés, qu’ils ne se fasse dépouiller par quelques malintentionnés de ses propres troupes.
En effet, si le noyau initial de l’armée est constitué de quelques solides combattants bretons, rudes comme des menhirs, altiers comme les chènes de la forêt de Paimpon, fidèles comme des bigoudens attendant le retour de leur cher morutier, en revanche, il se murmure sous le manteau que le reste de la troupe serait moins recommandable, ni trop fréquentable. Le recrutement du restant de l’armée aurait été confié à une certaine Satyne, que nos lecteurs les plus attentifs connaissent bien s’ils ont suivi les exploits des armées de la Pègre, ces dernières années. Ceste dicte Done Satyne, une sacrée bougresse, soi dict en passant, aurait entraîné dans son sillage une forte troupe de gredins, vauriens, brigands, marauds, tire-laine, écornifleurs, pendards, saligauds, traînes-patin, trous-du-culs et autres va-de-la-gueule qu’il ne ferait pas bon rencontrer après le coucher du soleil, et ni même avant, et qui forme le plus gros de l’Ost breton.
Passant qui t’aventures en Normandye, passe donc au large, si tu tiens à conserver et ta bourse, et ta vie. Normand, cache tes biens, et surtout, cache tes vaches et tes femmes !
Mais à propos, où va t’elle, ceste fière armée. Nul n’en sait rien ! Va t’elle piller la Normandye ? Il y a en tout cas une belle agitation dans les contrées de l’Ouest, et à ce qu’on nous a rapporté, l’alerte rouge a été donnée depuis Avranches, lors de l’entrée de l’Ost de Lemerco dans le Duché. Disons tout-de-go que ce Capitaine Lemerco est bien connu des normands pour les avoir déjà pillés, et ceci explique peut-être cela. D’autres bruits circulent, certains venant de Provence, qui serait fort démunie en soldatesque, et proie facile. Ou alors la Touraine ? Pourquoi pas, la Touraine est bien agitée en ce moment, serait-elle dans la ligne de mire des soldats bretons ? Quand à l'Artois, il serre ses maigres fesses, s'attendant au pire.
Allez donc sçavoir ...
Sujet: L'Ost en marche ! 