Caché dans une grotte de S.-A. ayant autrefois abrité un couple de jeunes gens heureux, LeGobelin faisaint les cents pas. Il ne savait pas où il en était, où il allait, où il voulait aller même !
*gnosco te ipse* Disaient les anciens. LeGobelin allait en faire de même, et pour se rappeler qui il était, il s'assit à la lourde table devant une immense cheminée taillée à même la craie où le feu autrefois brûlant n'était dans sa mémoire torturée qu'un souvenir lointain.
<< - Mardi 14 d'Aoust de l'an 1454 de nostre Seigneur.
Je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas d'où je viens réellement. J'ai débarqué à Calais il y a des années, mais était-ce Calais? N'était-ce pas Langres? Que dire ? Je ne sais plus ... Nous étions deux, je ne suis plus qu'un.
Avec un air fou dans les yeux, Goblelin regarda une fois de plus l'âtre vide et ses yeux s'embuèrent.
- Nous étions deux, nous sommes toujours deux, nous ne faisions qu'un, nous faisons toujours un.
A présent ses yeux étaient entièrement remplis de larmes. Il les posa sur un anneau d'or au chaton de rubis et le fit tourner dans ses mains tremblantes. Il eu un hochet et se leva. Bientôt un grand feu illumina l'endroit.
- La flamme brûle à nouveau mais je ne sais pas si j'aurai la force de l'entretenir. Il eu un long soupir, et après un instant de silence, le grattement de l'antique plume remplit de nouveau l'espace.
- Mon existence est une imposture, une vaste escroquerie.
Tout commença en mars 1451, et en mai je me rendis dans la toute jeune Angleterre où le roi bien naïf me nomma son conseiller au commerce. Commerce, de qui plus est en langue étrangère, est un art auquel je n'entends rien. J'en profitais néanmoins pour acheter des couperets, objets autant rares qu'inutiles. Rentré en France sans démissionner, j'emportait avec moi mon premier larcin, qui devait se monter à quelques 300 écus, sans compter les couperets.
Quoi qu'il en soit, je n'étais encore qu'un paysan que j'avais dans ma bourse plus que nombre d'artisans.
Le banditisme de grand chemin n'ayant jamais été mon fort, moi-même n'étant pas très bien bâti, j'allais au gré des conseils et c'est là que j'allais escroquer le plus. Non pas en biens matériels, quoique je n'ai pas non plus négligé cette question, mais en confiance et pouvoir.